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LES QUALITES CONTRADICTOIRES DU CHEF

 

« Connais-toi toi-même »

Platon

 

Tout le monde voudrait un chef parfait : le chef lui-même, cela lui faciliterait la tâche, et ses subordonnés, cela leur faciliterait la vie ! Mais il n’existe pas pour la bonne et simple raison que la perfection n’est pas de ce monde. De plus le chef doit allier des qualités contradictoires. Cela est fort bien résumé par A. Havard en deux mots : magnanimité et humilité. Il faut être et voir grand et rester humble.

Comment faire ? Connaissez-vous vous-mêmes. Vous devez être conscient de votre style pour compenser ses défauts. Cela va du style despotique au style laissez faire en passant par le style participatif tellement à la mode.

 

Ce qui vous est proposé est une grille de lecture pour vous connaître vous-même, vos points forts par où vous pourrez être le plus efficace et vos points faibles par où vous risquez d’être mis en difficulté.

Si vous en avez la possibilité, vous pourrez alors choisir des adjoints aux qualités complémentaires.

Cette grille pourra aussi vous servir pour connaître le chef adverse et trouver ses « points de rupture  ».

 

•             mémoire/imagination

 

Les gens cultivés, parfois empêtrés dans leur culture, manquent d’imagination et les créatifs, manquant de culture, se trouvent géniaux quand ils réinventent l’eau chaude. Mémoire et imagination sont toutes deux nécessaires. D’ailleurs les vrais « grands » créatifs sont souvent très cultivés. Le chef doit connaître les solutions passées, en dégager l’intemporel et y puiser des idées nouvelles adaptées aux circonstances « qui décident de tout » selon le général De Gaulle. La routine est un piège particulièrement insidieux.

 

•             vision/conseil

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«Les bons conseils naissent de la prudence du Prince, et non l’inverse.»

Machiavel

 

Le chef doit bien sûr avoir sa propre vision de la mission, du but à atteindre et de la manière de faire. Il doit aussi savoir choisir et écouter ses conseillers, même s’il doit parfois s’imposer contre leur avis.

Ainsi, sachez si vous donnez raison au dernier qui a parlé ou à tout le monde ou si vous n’écoutez personne. Mais au final, le chef reste toujours responsable.

Essayez de ne pas vous laisser dévorer par l’urgence pour laisser de la place à l’essentiel. Régulièrement, prenez du recul par rapport à la situation et à votre manière de faire. Il vous faut une « vue large et lucide » (Musashi).

 

•             analyse/synthèse

 

L’analyse envisage tous les aspects d’un problème qu’elle a bien décortiqué. La synthèse résume le problème aux aspects essentiels à l’action. Ces deux étapes sont successives et préparent la décision. Cependant, nous ne disposons que rarement de ces qualités de manière équilibrée. A nous de le savoir pour ne pas nous en tenir à l’une où à l’autre en croyant avoir fait le tour de la question.

Ces questions vous y aideront : « de quoi s’agit-il ? » « quel est le but ? » « pourquoi on me demande ça ? » « et alors ?.... » « qu’en ce qu’on en déduit ? » « qu’est-ce qui change ? » «qu’est-ce que ça change ? » « qu’est ce que cela implique ? » « qu’est-ce qu’on fait ? » « pourquoi fait-on ça ? comme ça ? » « qu’est-ce qu’on fait ? ».

 

•             intuitif/déductif

 

On prête aux femmes l’intuition et aux hommes le raisonnement. C’est un peu simpliste. Nous portons tous l’un et l’autre. A vous de connaître vos capacités d’intuition et de déduction, de les développer et de savoir les appliquer à propos. Entraînez-vous à les utiliser sur de petites décisions, vous gagnerez en confiance pour l’appliquer aux grandes.

 

•             anticipation/adaptabilité

 

« Gouverner c’est prévoir »

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L’anticipation est la marque des grands chefs. Elle est souvent difficile parce que de loin, l’importance des obstacles et leur impact sur le projet sont difficiles à évaluer. De plus ce n’est pas une qualité très française. Les anglo-saxons sont bien meilleurs dans le domaine.

Mais cette anticipation ne doit pas devenir rigide. Il faut aussi savoir s’adapter, ce que l’esprit français fait très bien. C’est la « présence d’esprit » louée par Clausewitz. Mais attention de ne pas tomber dans l’excès et de ne pas jeter les plans aux orties dès le début de l’action puis d’appliquer le fameux « on verra bien ! ».

Si vous avez du mal à anticiper, lisez bien le chapitre « préparer ».

 

•             organisation/soucis des hommes et du détail

 

Plus le projet est complexe, plus vous devez mettre en place une organisation qui décharge le chef. De petites équipes avec un responsable bien identifié ont fait leurs preuves. Mais déchargé ne veut pas dire désintéressé. Cela dégage du temps pour résoudre les problèmes de votre niveau, sensibiliser les équipes aux détails importants, soutenir leur moral et surtout faire circuler l’information pour maintenir la motivation. Il est souvent tentant de cloisonner et de garder l’information pour asseoir son pouvoir. Mais l’efficacité de l’ensemble diminuera.

 

•             discernement/volonté

 

«La volonté est le caractère le plus éminent de l'homme »

(Cousin)

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Le discernement comporte deux éléments : connaître la situation et savoir où est le bien pour nous. C’est un problème épineux qui a fait réfléchir des générations de philosophes, de maîtres spirituels et de chefs. L’encart en page suivante propose quelques techniques tirées de la littérature sur le sujet.

  

Ensuite, il faut choisir pour agir, parfois sans avoir tous les éléments et en tranchant entre des avis contradictoires. C’est là que la volonté est la vraie marque du chef qui doit agir résolument « peu, bien et jusqu'au bout ». Cela demande une grande force de caractère, tant vantée par le général De Gaulle. Cela demande aussi du courage jusque dans les petites actions pour ne pas aller de petits renoncements en petits renoncements, tant il est vrai que « si l’on n’a pas tous les jours l’occasion d’être un héros, on a tous les jours celle de ne pas être un lâche ». (de Lattre)

 

Ainsi si vous vous savez décideur impulsif, faites un effort de discernement et au contraire si vous vous savez indécis, faites un effort pour trancher.

 

•             réalisme/ténacité

 

Deux écueils sont à éviter : la rigidité et la pusillanimité (changer tout le temps de direction). Une fois la décision prise, il faut donc être tenace pour aller jusqu’au bout, jusqu’au but fixé, malgré le doute et les contrariétés qui ne manqueront pas de se présenter. Votre moral ainsi que celui de vos équipes connaîtra des phases d’exaltation, où il ne faudra pas s’emballer et des phases d’abattement où il faudra tenir bon.

Mais il faut également rester réaliste, avoir sens de ses limites et être capable de réorienter l’action si les obstacles s’avèrent insurmontables. Dans le feu de l’action, l’équilibre entre les deux doit être conservé alors qu’on vous donnera des avis contradictoires. C’est une tâche ardue qui n’est possible, encore une fois, qu’avec une bonne circulation de l’information et une bonne motivation de votre équipe. Affirmez encore et toujours vos buts et la manière de les atteindre, tout en faisant sentir à vos équipiers que vous les écoutez, même si vous ne suivez pas leurs avis. Il est souvent profitable de bien expliquer ses décisions, même si cela prend du temps. Cela créera le climat de confiance nécessaire lorsque dans l’urgence vous n’en aurez pas le temps.

 

Connaissez vos forces et cultivez-les. Traquez vos faiblesses –en acceptant les retours négatifs- et compensez-les. On ne fait jamais que ce qu’on peut avec ce qu’on a. A vous de pouvoir le plus possible.

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